Transfert social ?
Transfert social !
Un drôle de nom que j’ai inventé en 2008 à l’occasion d’un travail collectif sur « psychanalyse et politique », ce qui indique d’emblée la valeur d’échange social qui a participé à cette invention.
C’est en juillet 2013 avec la fondation de l’association APPS que sa portée prendra celle d’une force motrice puisque ce transfert social y sera désigné comme l’outil épistémologique premier.
Nous sommes ainsi partis du transfert social tant en individel qu'en collectif comme référence pratique et théorique. Ce transfert social a des points communs avec le transfert psychanalytique mais s'en différencie de manière totale par l'apport de Marx dans l’histoire transférentielle et nous l'avons appelé transfert de valeurs à partir de la lecture du Capital qui croisait notre pratique.
Les valeurs sont concrètes et font partie de notre mode de vie social dans notre civilisation capitaliste actuelle. Nous le proposons comme outil en commun avec les personnes en souffrance que nous rencontrons. Et cela crée un nouveau rapport au savoir que nous pouvons partager dans les échanges lors des entretiens. Cela est le point de rupture total avec le fonctionnement psychanalytique.
Ce transfert de valeurs concerne les mots, les images et les ressentis corporels et fonctionne en anneaux qui se connectent et éclaire le dynamisme social : la société est en anneaux. C’est ainsi que se font les connexions, déconnexions, transformations personnelles et collectives. La valeur d’un mot fonctionne par rapport à celle d’un autre mot, la valeur d’une image fonctionne par rapport à celle d’une autre image, la valeur d’un événement corporel par rapport à un autre événement corporel. Les connexions se font entre ces valeurs : une valeur mot se connecte à la valeur image ou à la valeur corps et nous avons appelé cela « MIC », mot-image-corps pour en faire outil.
Ces connexions MIC sont aussi des connexions qui instituent des ordres personnels et collectifs et donc des aliénations et dominations. C’est à partir de là que nous analysons pratiquement sous une forme-psycho-sociale ces rapports personnels avec la personne et la privation, le non avoir, est dans ce contexte motrice.
Ces différentes formes valeurs du transfert font donc éclater tout ordre hiérarchique pré-établi. Cela concerne évidemment la psycho-pathologie qui colle à la psychanalyse comme une crotte freudienne colle à l’inconscient en couches.
Si nous lisons la bible ancienne mais non caduque des psychiatres français, le manuel de psychiatrie « Henri Ey », nous lisons :
« La pression que l'hypnose exerce sur la conduite et les tendances du sujet implique la libération de ses forces inconscientes. Ce fait (l'hypnose) a été génialement exploité (Breuer et Freud) pour proposer une théorie de l'inconscient pathogéne en psychiatrie. Toute l'œuvre de Freud, tout le corps de doctrine qu'il a édifié et que son école psychanalytique a développé (Abraham, Ferenczi, Jones, etc) constituent une théorie psychogénique des névroses envisagées comme l'effet des forces inconscientes qui peu à peu s’est appliquée aux psychoses. Qu'il s'agisse des psychanalystes orthodoxes ou dissidents ( Steckel, Jung, Alexander, Mélanie Klein, etc..) le modèle théorique qui définit ce mouvement doctrinal est toujours à peu près le même. il tient en deux points essentiels: 1° l'inconscient représente un système de forces affectives refoulées qui ne se manifestent cliniquement que par une distorsion symbolique de leur sens (symptômes névrotiques, obsessions, idées fixes, délires, hallucinations, troubles de la conscience, etc.) De telle sorte que c'est la formation symbolique de la pensée du rêve qui constitue le modèle des mécanismes psychopathologiques. 2° l'inconscient est constitué par des forces instinctives (ça) ou répressives ( sur-moi) qui ont au cours du premier développement libidinal de l'enfant lors de ses premières relations objectale formé des systèmes affectifs (complexes de frustration, d’Œdipe, de castration, etc.) C'est le conflit de ces forces inconscientes avec le Moi et la réalité qui détermine les maladies mentales » (Henri Ey, P Bernard, Ch Brisset, Manuel de psychiatrie, Masson, Paris, 1978, p.70)
Cela est riche d’enseignement quant aux tâches de libération idéologique nécessaires et cela éclaire les attitudes réactionnaires de certains psychanalystes par rapport à la transidentité. Cela éclaire notre série d’articles critiques de la religion psychanalytique : la religion psychanalytique née du transfert en faisceau unique qu’est l’hypnose s’est développée en s’échappant de la peur du transfert, de la rencontre personnelle, pour bâtir une doctrine de la religion de l’inconscient en connectant refoulement et formation symbolique de la pensée du rêve pour aboutir à cette idéologie répressive de la psychopathologie et de la catégorisation en maladies mentales. Cela persiste quelque soit l’époque historique. Elle n’échappe jamais au faisceau vers l’Unique transcendental hautement ségrégatif: l'inconscient pathogène.
Le transfert social de valeurs permet de partir d'une démarche non ségrégative, car la valeur est un outil commun et nous vivons dans une civilisation de valeurs. Cela me parait essentiel par rapport à une démarche qui ne part donc pas de la production psychopathologique. Nous partons du transfert du social dans le mental.
Le transfert social nous a permis de nous connecter à l’inconscient de la pratique, l’inconscient du faire qui part d’une autre base que la religion.
L'autre point distinctif est de ne pas partir uniquement du langage, du discours mais de relier les mots aux images et aux ressentis corporels. Notre inconscient n'est pas référé à celui des profondeurs ou de l'intérieur y compris l’intérieur des sensations ni à celui du "structuré comme un langage", il est relié à l'insu du faire, "nous ne savons pas ce que nous faisons" comme l’indique Marx régulièrement.
Ce thème fera l'objet d'un prochain article "L'insu du faire"
Hervé Hubert
Illustration : ©Albert Baertsoen
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