Comment, par l'accompagnement psychologique, favoriser la résilience chez des parents d'enfants autistes ?
HOW TO PROMOTE RESILIENCE IN PARENTS OF CHILDREN WITH AUTISM THROUGH PSYCHOLOGICAL SUPPORT
Sr Gloria Douaihy (Auteur)
Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), Liban
Prof Nadine Zalaket (Co-auteur)
Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), Liban
Dr Sahar Obeid (Co-auteur)
Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), Liban
Dr Didier Mauro (Co-auteur)
Université de Paris 3, Sorbonne
Sr Gloria DOUAIHY, doctorante à l’université Saint-Esprit-Kaslik (USEK), elle mène une recherche sur le thème : « L’impact de l’accompagnement psychologique, d’inspiration psychanalytique, sur la capacité de résilience de parents libanais, ayant un enfant atteint d’un trouble du spectre d’autisme ». Elle est titulaire d’un master en psychologie clinique et pathologique, en 2012, de l’université Saint Joseph (USJ), Beyrouth. Elle a eu sa licence d’enseignement en psychologie de l’université Libanaise, en 1993. Elle est l’auteure d’un ouvrage intitulé « Sexualité et vie consacrée », publié aux éditions L’Harmattan, octobre 2023.
Prof Nadine Zalaket, docteur en psychologie clinique, est professeur associé et chef du département de psychologie et de sciences sociales à la faculté des Arts, Humanités et Sciences de l'Université du Saint-Esprit de Kaslik (USEK). Elle a collaboré au projet "Research Partnership Grant 2023" avec la HES-SO, leading house pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, et Chantal Martin-Soelch de l'Université de Fribourg, pour étudier les problèmes de santé mentale des jeunes au Liban et en Suisse. En outre, elle a mené des recherches approfondies sur le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) chez les réfugiés palestiniens à Nahr El Bared-Tripoli en 2006. Elle a également présenté ses travaux lors de conférences internationales, notamment à l'Université de Québec-Trois Rivières et à l'Université Loyola Marymount de Los Angeles, portant sur les traumatismes et la violence au Liban. Ses recherches portent principalement sur l'adolescence et elle est l'auteur de "Pour une adolescence saine".
Dr Sahar Obeïd est professeur adjoint de psychologie au Département des sciences sociales et éducatives de l’Université Libanaise Américaine (LAU). Elle est une chercheure avec plus de 148 publications internationales, ainsi que plusieurs conférences. Elle a obtenu son doctorat en psychologie clinique à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK).
Dr Didier MAURO est Docteur à l'université de Paris 3 Sorbonne, qualifié Maître de conférences des universités. Master en éthologie générale et sociologie comparative. Co-fondateur avec le Dr Hervé Hubert (psychiatre, psychanalyste), des conférences audiovisuelles de l'Atelier de Pratiques Psycho Sociales. Élu à l'Académie des Sciences d'outre-mer de la République française. Élu à l'Académie Nationale des Arts, des Lettres et des Sciences de la République de Madagasikara. Auteur de travaux de psychosociologie sur le rôle des appels des ancêtres par des médiums possédés de Madagasikara pour le traitement des souffrances dans le mental et les affections psychosomatiques.
RÉSUMÉ
Notre présente étude porte sur l’impact que peut avoir l’accompagnement psychologique envers les niveaux de résilience de parents libanais ayant un enfant atteint d’un Trouble du Spectre d’Autisme TSA.
Il s’agit d’une étude qualitative. Elle a été menée par des entretiens cliniques. Nous avons choisi de faire un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique. Nous avons soumis un questionnaire, l’échelle de traumaq et le test Connor-Davidson à huit parents libanais ayant un enfant atteint de TSA et n’ayant pas reçu un accompagnement psychologique, auparavant. Ces deux tests ont servi de mesurer quatre niveaux opérationnels de résilience : tolérance au stress, affects positifs, perception de soi stable et adhérence à une croyance.
Les deux temps de passation T1 et T2 ont été espacés de trois mois, le temps de l’accompagnement des quatre parents représentant le groupe expérimental. Le groupe témoin, appelé aussi groupe contrôle, est également formé de quatre parents, dont deux mères et deux pères. La durée de l’accompagnement est de trois mois, à raison de deux fois par semaine, soit 25 séances pour chacune des 4 personnes.
En comparant les résultats avec ceux qui n’ont pas suivi un accompagnement psychologique, nous constatons que les parents, ayant suivi l’accompagnement psychologique, ont témoigné d’un développement de reconstruction dans leur fonctionnement psychique. Ce développement s’est manifesté à travers quatre concepts opératoires de la résilience : une meilleure tolérance au stress, une augmentation des affects positifs, une meilleure perception de soi positive et une activation de leur adhérence à une croyance, par rapport à leur état antérieur.
Conclusion : l’analyse des grandes lignes de l’accompagnement montre la mise en place d’une mobilisation des capacités, internes et externes, chez chacune des quatre personnes accompagnées. L’accompagnement psychologique, d’inspiration psychanalytique, leur a permis de ne plus rester figer dans leurs blocages mentaux, mais de se déplacer pour sortir de leur « tunnel noir », pour découvrir le sens des événements difficiles qu’elles ont rencontrées. Ces événements sont toujours là, mais ce sont les personnes, elles-mêmes, qui ont changé leur manière d’approcher cette réalité.
Mots clés : Résilience ; Traumatisme ; Autisme ; Accompagnement Psychologique ; Etude Qualitative ; Approche Psychanalytique
ABSTRACT
Our study focuses on the impact that psychological support can have on the resilience levels of Lebanese parents who have a child with autism spectrum disorder (ASD).
This qualitative study was conducted using clinical interviews. We have chosen to provide psychological support with a psychoanalytic approach. We administered a questionnaire encompassing the trauma scale and the Connor-Davidson test to eight Lebanese parents who have a child with ASD and who have not previously received psychological support. These two tests were used to measure four operational levels of resilience: stress tolerance, positive affect, stable self-perception, and adherence to a belief.
The two administration periods, T1 and T2, were spaced three months apart, which was the time required to support the four parents representing the experimental group. The control group also comprised four parents, including two mothers and two fathers. The duration of the support was three months, twice a week, or 25 sessions for each of 4 people.
Upon comparing the results with those who received psychological support, we observe that the parents who were provided with psychological support demonstrated a development in their psychological functioning. This development was manifested through four operational concepts of resilience: better stress tolerance, an increase in positive affects, a better positive self-perception, and an activation of their adherence to a belief compared to their previous state.
Conclusion: the analysis of the main lines of support shows the mobilization of internal and external capacities in each of the four people supported. The psychological support, based on a psychoanalytical approach, enabled them to no longer remain frozen in their mental blockages but to move out of their “dark tunnel” to discover the meaning of the difficult events they encountered. These events are still existent, but the people themselves have changed the way they approach this reality.
Keywords: Resilience; Trauma; Autism; Psychological Support; Qualitative Study; Psychoanalytic Approach
1. Les fondements d'une recherche
Quel impact peut avoir l’accompagnement psychologique envers les niveaux de résilience de parents libanais ayant un enfant atteint d’un trouble du spectre d’autisme (TSA) ? L’accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique des parents d’enfants autistes peut-il être, et comment, un procédé thérapeutique favorisant pour les patients une résilience face à leurs souffrances mentales ? L'objet des pages qui suivent est d'apporter une contribution aux recherches et accompagnements thérapeutiques en cours. Cette étude est issue - d'un travail de recherche approfondie sur la littérature existante concernant l'autisme et la résilience (mais nous ne reprendrons pas ces deux parties), et – d'une étude qualitative menée auprès de parents, par des entretiens. Pour ce faire, nous avons soumis un questionnaire, l’échelle de Traumaq et le test de Connor-Davidson à huit parents libanais ayant un enfant atteint de TSA n’ayant pas reçu un accompagnement psychologique auparavant. Ces huit personnes composent notre échantillon de travail.
Notre recherche sur le terrain fut menée au sein d’un centre pour l’autisme : Noth Autism Center (NAC), qui se situe dans notre région, au nord du Liban. Pour mener cette recherche, nous avons travaillé en analysant le concept de résilience. Cependant celui-ci relève de plusieurs acceptations sémantiques distinctes, et contradictoires. Dans la définition de la résilience retenue pour mener cette recherche figure l’élément traumatique. Nous définissons la résilience comme étant la résistance, le néo-développement du système intrapsychique, la reconstruction d’un sujet face à une déchirure des liens, une déstabilisation, une déstructuration mentale, causée par un élément traumatique.
Nous avons choisi d’observer, chez les parents ayant accepté de participer à l’enquête qualitative, le Tissage résilient ou Tricot résilient théorisé par Cyrulnik. Ce potentiel résilient, existant en chacun de nous, pourrait se développer à travers un processus d’interaction entre le sujet et ses compétences psychiques. Ce, en relation avec son environnement, lequel est un vecteur de facteurs et de tuteurs de résilience. Nous adoptons la définition de Lighezzolo et De Tychey (2004) « sur le plan externe, une adaptation aux réalités environnementales et sur le plan interne, une sortie de l’état de sidération traumatique initial, avec une restauration de la capacité d’élaboration mentale ». Nous sommes conscients que la définition retenue a ses limites, et qu’elle porte un manque de connaissance du monde évolutif, dans lequel nous nous retrouvons. Nous prenons en considération l’analyse de Bourbeau (2016) quand il parle du « piège de l’infinie-interprétation par lequel aucune vérité (avec un « V » majuscule) n’est possible et que donc toutes les interprétations se valent et s’égalent ». Généralement, dans les centres qui s’occupent des enfants autistes, la prise en charge est plus centrée sur l’enfant ayant un trouble autistique que sur ses parents. De même, les recherches qui sont menées sur l’autisme sont bien plus orientées sur le trouble en soi, et sur la prise en charge de l’enfant souffrant de ce trouble, que sur les parents.
L’originalité principale de notre étude est que les parents sont au cœur de la recherche. Quel impact pourrait avoir un accompagnement psychologique, d’inspiration psychanalytique, sur la capacité de résilience de parents ayant un enfant atteint de troubles du spectre d’autisme (TSA) ? Telle est la problématique principale à laquelle nous avons concentré nos travaux. Dans une culture résignée et fataliste, les parents blessés ayant un enfant atteint de TSA, sont sévèrement atteints et cela affecte toute leur vie. Étant une personne consacrée, appartenant à une Congrégation religieuse qui promut la croissance humaine et spirituelle de toute personne en particulier la moins favorisée, je ne pourrais pas choisir de rester inactive face à la réalité extrêmement dure des parents qui côtoient le North Autism Center. Le fait d’aider les parents d’enfants atteints de TSA contribuerait à la réussite de la prise en charge de leurs enfants. Notre projet vise, soit à développer chez les parents les connaissances scientifiques à ce sujet, soit à leur fournir une occasion de prise de conscience de leurs propres capacités de représentation du trauma, afin de pouvoir le surmonter et accéder à une résilience. Dans les deux cas, notre objectif est d’améliorer les conditions de vie des parents libanais ayant un enfant souffrant des TSA.
Nous avons conscience des limites de cette étude au niveau de la démonstration scientifique. Notre détermination est d’aider les parents ayant un enfant atteint de TSA à accepter cet enfant dans leur monde et l’aider à se développer, tout en se reconstruisant eux-mêmes, en se libérant, autant que faire se peut, des souffrances liées à leur vécu. Nous avons conscience, aussi, que notre étude ne va pas changer les repères scientifiques existants, mais nous désirons qu’elle soit un « complément » à ce qui existe déjà dans le domaine de l’accompagnement des parents ayant un enfant atteint de TSA. En se situant dans une perspective préventive, il nous semble très important, pour la réussite de la prise en charge de l’autiste, de prendre soin, aussi, de ces parents « traumatisés », afin d’essayer d’améliorer leur capacité de résilience. Notre étude pourrait donner naissance à de nouveaux espoirs aux familles concernées. Et ce n’est qu’en 2023, que j’ai pu reprendre le contact avec le centre NAC pour faire le choix de l’échantillon à travers la méthode de randonnée, voire tirage au sort). La psychologue du centre, Mme Nayla El-Husseini, a apporté une contribution forte à cette étude. C’est grâce à elle que ces travaux ont gagné en fiabilité et en objectivité, et ce, aussi bien pendant l’échantillonnage que dans la passation des outils de mesure (questionnaire, échelle et test). Ce, avant, pendant, et après les entretiens.
Avoir un enfant souffrant de troubles du spectre d’autisme est toujours générateur de déstabilisation mentale pour sa famille. Quelles sont les répercussions du TSA d’un enfant sur la santé bio-psycho-sociale des parents ? Quelle pourrait être la façon de se projeter dans la vie pour des parents faisant face a une telle situation durable, et surtout incurable ? Peut-il y avoir un parcours de résilience dans leur vie ? Ou bien risquent-ils de s’enfoncer dans des phénomènes de mal-être dépressif, de « souffrances dans le mental » (pour reprendre les termes du Dr Hervé Hubert) et/ou de troubles psychiques plus graves ? Serait-il possible qu’ils aient recours, spontanément, à des facteurs protecteurs ou à des facteurs pouvant paraître protecteurs, comme le déni et le refoulement ? Mais ceux-ci ne sont-ils pas des vecteurs nocifs, quand ils durent ? Y-a-t-il des moyens d’accompagnement psychologique qui pourraient aider les parents d’enfants autistes à mieux développer leurs capacités de « naviguer dans les torrents » (pour reprendre les termes de Boris Cyrulnik) ? La résilience est-elle une capacité, ou un processus qui se développe tout au long de la vie ?Quelles sont les ressources nécessaires à la personne pour vivre cette reconstruction ? Pour l’instant, nous laissons ces questions largement ouvertes. Il nous est d’abord apparu fondamental d’étudier les ouvrages existants portant sur les deux domaines principaux faisant l’objet de notre recherche : l’autisme et la résilience, ainsi que le traumatisme et la résilience dans un cadre psychodynamique avec l’accompagnement psychologique. Ce premier moment, dense, nous a demandé un temps extrêmement conséquent, car, en même temps, nous avons comparé les thèses des différents auteurs, afin de les analyser.
Puis, nous avons entrepris les préparations des outils nécessaires à l’enquête de terrain. Des outils standardisés sont utilisés avant et après l’intervention pour atteindre nos objectifs :
Un questionnaire pour construire l’anamnèse
L’échelle Traumaq pour mesurer le traumatisme
Le test de Connor-Davidson pour évaluer le niveau de résilience
Ensuite, nous avons enquêté afin d’identifier les parents pouvant accepter de procéder à cette étude qualitative. Les huit parents formant la totalité de notre échantillon n’ayant pas eu un accompagnement psychologique auparavant, sont divisés en deux groupes. Dans le groupe témoin comme dans le groupe expérimental, il y a 4 parents : deux pères et deux mères. Seuls les 4 parents du groupe expérimental ont été accompagnés. Il s’agit d’un accompagnement psychologique semi-directif, destiné à pouvoir mesurer les quatre composantes de résilience étudiées. Ce mode d’accompagnement s’est effectué dans une ambiance de bienveillance et de contenance bien précis, qui a permis aux parents de parler en sécurité. Il a été d’une durée de trois mois (fin mai 2023 – début septembre 2023). La fréquence des séances s’est limitée à deux fois par semaine. La séance était de 45 minutes. Ce mode d’accompagnement a compris les étapes suivantes :
Accueil : le psychologue se montre disposé à accueillir le parent ; à accueillir son histoire/anamnèse: il lui fait sentir que tout peut être dit sans aucune forme de jugement. En d’autres termes, il assure au parent un cadre sécurisant qui lui permet de s’exprimer librement et en toute confidentialité.
Écoute : Le psychologue a la responsabilité d’offrir au parent un espace de parole et d’écoute neutre, où les émotions, les angoisses et les appréhensions pourront être librement exprimées (Bernaud et al., 2015). Il maintient le contact en écoutant activement le parent, avec une oreille professionnelle et attentive (écoute psychanalytique). Le psychologue éprouve une attitude de neutralité bienveillante envers ce que dit le parent et l’expression de son vécu.
Interprétation : Le psychologue interprète le vécu du parent (rêve, lapsus, actes manqués, etc.) en vue de donner un nouveau sens au TSA de l’enfant. Le psychologue aide le parent à faire une prise de conscience de son vécu.
Réflexion : Le psychologue réfléchit sur ce qui a été dit pour procéder à une interpellation de l’accompagnement. Le parent fait la liaison entre les différents éléments de sa vie : réfléchir sur lui-même, construire ses propres réponses, et essayer de trouver des pistes de solution, etc. Cette étape aide le parent à faire une auto-évaluation et a prendre conscience de ce qu’il vit, ce, afin de donner sens à ce vécu. Une importance particulière est donnée à cette étape de restitution, là où l’évaluation est pensée dans une perspective de développement personnel.
Le rythme des séances fut de deux fois par semaine, sur une durée de trois mois. La séance dure 50 minutes. Nous souhaitons aussi contribuer à une prise de conscience : la vulnérabilité des personnes en question, et leurs différentes réactions potentielles face à de telles situations difficiles, avec les risques qui en découlent, plaident d’une manière cruciale pour un accompagnement psychologique. Cet accompagnement, renforcé dans de telles conditions, remet en scène toute l’histoire des parents. Ceci met en évidence le besoin d’une recherche qualitative comme celle dont cette thèse est un élément. Nos travaux n’apporteront pas, peut-être, à la société et au monde, des solutions innovantes à des problèmes universels, ni des résolutions de grave problèmes sociaux. Cependant, nous nous sommes investis avec beaucoup de sérieux et d’engagement, pour être aux côtés de personnes souffrantes, laissées à elles-mêmes, et tourmentées par l’ampleur de ce handicap difficile pour leur enfant qu’est le TSA.
Nous avons tenté d'aider à :
Développer des connaissances scientifiques supplémentaires sur ce sujet, pour les aider à mieux comprendre leur enfant.
Expérimenter une prise de conscience de leurs propres capacités, afin de pouvoir contribuer à surmonter les souffrances mentales.
Améliorer les conditions de vie de parents libanais ayant un enfant souffrant de TSA
Prendre soin des parents « traumatisés », et essayer d’aider à améliorer leur capacité de résilience.
2. Définitions de l’autisme et du concept de résilience
De l'autisme
Dans les limites de cet article, nous limitons volontairement les éléments du produit de notre recherche concernant les notions de TSA et de résilience. Notre mémoire de thèse doctorale apporte des éléments bien plus complets concernant les écrits et recherches en ces domaines. Le commencement de l’histoire de l’autisme, en tant que définition d’un trouble comportemental, a eu lieu avec Kanner et Asperger, en 1943. En effet, la première fois que l’autisme a été décrit avec des caractéristiques, qui ressemblent en partie à celles en vigueur de nos jours, c’est lorsque Léo Kanner publie son article: Autistic disturbances of affective contact » (Les perturbations autistiques des contacts affectifs). Depuis 1938, des enfants dont les comportements diffèrent radicalement de leurs pairs attiraient son attention, dit-il. Sur ce, il a débuté une étude sur un échantillon de 11 enfants, dont 8 garçons et 3 filles, ayant tous moins de 11 ans. Dans son article, il ajoute pour dire que certains de ces enfants ont été vus comme ayant un retard mental ou une schizophrénie. « Les enfants autistes naissent avec une incapacité innée à créer le contact affectif habituellement fourni de manière biologique avec autrui, de la même manière que d’autres enfants viennent au monde avec des handicaps physiques ou intellectuels innés. » (Sigman & Capps, 2001), conclut Kanner. La description de Kanner concernant ces 11 enfants souffrant d’autisme, était centrée sur leur isolement social, leur comportement répétitif, leurs efforts compulsifs pour préserver un ordre établi. Nous le voyons, dans son article, attribuer l’intense préoccupation de ces enfants pour l’ordre au « désir d’immuabilité » (Sigman & Capps, 2001, p. 9).
De la résilience
Le terme de résilience est extrêmement employé dans les médias, à n'importe quel propos, très souvent de façon inappropriée. C'est devenu un cliché du vocabulaire journalistique. Souvent, très éloigné du sens du terme en ce qui concerne les souffrances dans le mental. Nous allons essayer, dans ce qui suit, de retrouver les traces de l’origine, ainsi que l’évolution du concept, et ceci pour aider à mieux comprendre en quoi consiste la résilience. Cyrulnik (2012) attribue la conception du mot résilience à Werner. Tandis que la première personne à avoir employé le terme de résilience en psychologie, en 1969, pour qualifier « les personnes qui ne se laissent pas abattre » (Laplanche & Pontalis, 1996), est le psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby. Si la recherche sur la résilience est récente, et remonte au début des années 1970, il semble que ce thème existe depuis bien longtemps. Vanistandael et Lecomte (2000) déclarent que ce concept est « sans doute aussi vieux que l’humanité ». Michallet (2010) dit que les chercheurs se sont longuement intéressés à l’étude « portant sur l’expérience des individus faisant face à l’adversité, ayant subi des traumatismes ou ayant survécu à des situations extrêmes » sans, nécessairement, la nommer par le terme de résilience.
Traumatisme et résilience
Avant d’aborder le traumatisme d’un point de vue psychanalytique, nous revenons de nouveau sur son étymologie. Traumatisme vient du mot grec trauma qui signifie « blessure », « dommage », « désastre ». Le terme est dérivé du verbe titrôskô se définissant par « percer », « meurtrir », qui vient donc faire effraction. Dans le langage médical, le traumatisme est d’abord identifié comme conséquence de lésions sur l’ensemble de l’organisme, et provoquées par une action violente externe (Theis, 2006). En termes de psychanalyse, Ferenczi utilise l’appellation de commotion psychique pour décrire le traumatisme. Selon Ferenczi (1982), « la commotion psychique survient toujours sans préparation. Elle a dû être précédée par le sentiment d’être sûr de soi, dans lequel, par suite des événements, on s’est senti déçu ; avant, on avait trop confiance en soi et dans le monde environnant ; après, trop peu ou pas du tout. On aura surestimé sa propre force et vécu dans la folle illusion qu’une telle chose ne pouvait pas arriver, pas à moi ».
L’événement traumatique advient dans la psyché comme un choc inattendu, auquel la personne n’est pas préparée. Il vient désorganiser la vie psychique et laisser un impact menaçant la vie psychique, allant de la colère, la confusion, la détresse, la déception, la sidération, la blessure narcissique, jusqu’à l’inhibition et la coupure avec le monde extérieur. Rappelons-le, le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) est un trouble du développement caractérisé par des anomalies des interactions sociales et de la communication, par des intérêts restreints et des comportements répétitifs. Rogé (2015), constate : « Il s’agit d’un trouble précoce qui peut entrainer des handicaps lourds et qui a des répercussions importantes sur la famille. » Décrire le ressenti des parents face à un Trouble du Spectre d’autisme TSA chez leur enfant n’est pas une tache simple. Face à ce handicap devenu un lourd fardeau, les parents peuvent avoir de différentes réactions, telles que la tristesse, la colère, la peur, la sidération, la détresse et souvent le refus de croire à ce diagnostic.
Face à un diagnostic de TSA d’un enfant, la réaction de la famille, en particulier les parents (pères et mères) pourrait varier entre un vécu émotionnel léger et un choc émotionnel vécu comme un profond traumatisme psychologique. Résilience et souffrance sont deux réalités de vie qui sont bien liées l’une à l’autre. C’est à partir de situations de maltraitance, d’agression ou de traumatisme, toujours selon Cyrulnik (2012), que beaucoup de parcours de résilience ont vu le jour. En 1993, des chercheurs français ont commencé à réfléchir en « terme de processus » la manière de se développer d’une manière nouvelle après un trauma. D’après ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, nous pouvons constater que la résilience intervient au moment où une personne subit un traumatisme. Elle va tenter de le surmonter, et ainsi un processus de résilience se met en place. Le traumatisme devient alors l’agent de la résilience. Une littérature abondante fonde l’hypothèse selon laquelle la présence d’un TSA chez un enfant produit des éléments stresseurs particulièrement nocifs chez ses parents. Ces familles d’enfants atteints de TSA, ainsi que les parents d’enfants avec d’autres incapacités et maladies chroniques, ont plus de stress que les familles dont les enfants sont sans déficits ou incapacités (Hayes & Watson, 2013).
L'accompagnement psychologique d'inspiration psychanalytique
Dans son article, Bion, une psychanalyse sans mémoire, Korff-Sausse (2016) écrit : « un étrange dialogue imaginaire entre des figures multiples, entre les aspects primitifs et les aspects plus élaborés, entre les prénatals qui sont capables d’éprouver mais pas de penser et les postnatals qui sont au contraire équipés pour les premières tentatives de compréhension». D’après cette citation de Korff-Sausse, nous disons que dans un tel genre de travail d’accompagnement psychologique plutôt d’inspiration psychanalytique, et non pas purement psychanalytique selon seulement la théorie freudienne, le regard ne se porte pas seulement en arrière vers l’objet perdu et la recherche du désir, mais s’oriente aussi vers l’avant dans le but de réaliser un développement des potentialités psychiques, pas encore mobilisées, et ce à cause des souvenirs qui viennent l’empêcher.
3. La méthodologie d’une recherche de terrain
Concernant notre recherche de terrain, nous avons choisi de procéder à une recherche qualitative. Selon Mays et Pope (1995) : « Le but de la recherche qualitative est de développer des concepts qui nous aident à comprendre des phénomènes sociaux dans des contextes naturels (plutôt expérimentaux). » L’analyse qualitative, à la différence de l’analyse quantitative, n’a pas pour objectif de recueillir une grande quantité de données, mais des éléments profonds et de qualité. En psychologie, la méthode qualitative permet une profonde expression du vécu personnel, des émotions et du ressenti. Selon Bioy, Castillo et Koenig (2021), « La méthode quantitative s’attache à démontrer des faits en quantifiant un phénomène […] La méthode qualitative s’attache à expliquer un phénomène, à lui donner une signification, vivre un sens. Les résultats sont exprimés en mots. » La méthode qualitative permet l’étude en profondeur des émotions, des sentiments ainsi que l’expérience personnelle des individus concernés. Elle permet un plus d’interaction entre le sujet et l’accompagnateur. La méthode qualitative donne lieu à une observation minutieuse du développement personnel de l’accompagné.
Un individu peut-il, par son récit, exprimer quelque chose qui ne se limite pas à sa personne ? Pour le choix des personnes sollicitées afin de mener l’enquête sur le terrain, le dispositif se rapproche de celui pratiqué dans d’autres disciplines des sciences humaines : la sociologie et l’anthropologie. Celui-ci est particulièrement récurrent en psychologie. Au cœur de ces recherches, l’expression des personnes tient une place essentielle. Ceux-ci sont le plus souvent qualifiés d’« informateurs ». Leurs contributions à faire progresser la recherche concerne, non seulement l’expression des vécus personnels qui concernent la psychanalyse, la psychiatrie, et la psychologie, mais bien d’autres aspects de ce qui concerne la relation du mental avec le social. Cela touche également à la mémoire individuelle, et aussi collective. Concernant ce dernier point, le penseur malien Amadou Hampâté Bâ, lors d’une communication à l’UNESCO, en 1960, a exprimé l’importance des récits individuels pour la mémoire collective. La relation avec autrui, créée lors des entretiens, passe nécessairement par le respect, l’empathie, et l’amour de l’humanité, sachant que, concernant ce dernier point, le sociologue Bourdieu a défini l’effet d’un miroir abyssal proche de celui évoqué par Lacan dans son texte, « Le stade de miroir comme formateur de la fonction du Je ». « L’amour est aussi une manière d’aimer en un autre son propre destin, et de se sentir ainsi dans son propre destin » dit Lacan (1945). En effet, nous avons essayé de faire en sorte de construire, avec chacune des personnes ayant participé à cette recherche, une relation forte, fondée sur la confiance et la relation bienveillante à autrui. Pour cela, l’une des influences les plus personnelles que nous puissions reconnaître est celle de Jésus de Nazareth : « Heureux les affligés, car ils seront consolés ». La résilience des parents d’enfants autistes, lorsqu’elle se manifeste est plus qu’une consolation. C’est une reconstruction.
Les huit personnes, ayant participé à notre étude, sont des parents d’enfants pris en charge par le centre NAC présenté ci-dessus. Quatre parents forment le groupe expérimental, et quatre autres forment le groupe témoin. Comme nous l’avons mentionné auparavant, nous avons eu recours à la méthode de randomisation, qui consiste à procéder à une sélection aléatoire, par tirage au sort. L’un des critères de notre choix a été de travailler avec des parents qui n’ont pas bénéficié, au préalable, d’un accompagnement psychologique. Ces personnes sont liées, non seulement, a un même centre et a une même problématique (avoir un enfant souffrant de TSA), mais aussi à un même contexte géographique : tous sont des parents libanais, mariés, habitant au nord du Liban, dans la région de Zgharta ou sa périphérie. Ils ont les mêmes intérêts (prendre soin de leurs enfants), et les mêmes contraintes (conditions de vie difficiles). Nous avons eu, dans le groupe expérimental : un père agent de sécurité, un père forgeron, un père qui ne travaille pas, une mère aide-infirmière, une mère femme au foyer. Dans le groupe témoin : les deux mères sont des femmes au foyer, un père est menuisier et un père est travailleur intérimaire. Le niveau des études des huit personnes varie entre un brevet académique ou technique et une ou deux années universitaires.
Le North Autism Center – NAC, ayant apporté une contribution opérationnelle à cette recherche, est une institution spécialisée dans l’accueil et le suivi des enfants et des adolescents atteints d’autisme. Le NAC a été fondé en Mai 2010, suite à une étude régionale approfondie qui a montré la quasi-absence de structures accueillantes des personnes à besoins spéciaux. Il se situe au Nord du Liban, précisément dans la région de Zgharta. Le centre est affilié à l’ONG « Al Midan » présidée par Madame Rima FRANGIEH.
Les quatre niveaux de résilience pris en considération
Dans le but d’améliorer la précision sémantique des indices de résilience, ainsi que leur valeur indicative, nous allons remplacer le mot « niveau » par « concept opératoire » (Poutois et al., 2012). Nous avons choisi un concept opératoire de chacun des quatre volets du fonctionnement de la psychique.
De l’indicateur affectif, nous avons opté de travailler les affects. Sont-ils négatifs ou positifs ?
De l’indicateur cognitif, nous avons choisi le stress. Devant des situations de stress, les parents éprouvent-ils de Tolérance ou intolérance ?
De l’indicateur social, nous avons choisi la perception de soi. Montre-t-il une confiance en soi dans son contact social ? S’apprécie-t-il ? A-t-il une bonne image de lui-même ?
De l’indicateur conatif, nous avons choisi l’adhérence à une croyance. Manifeste-t-il ses convictions ou sont-elles bloquées ?
Les outils psychométriques utilisés
La passation des tests s’est déroulée au centre NAC, dans le cadre d’un examen psychologique des huit parents représentants l’échantillon. Un pré-test a eu lieu avant le début de l’accompagnement psychologique exécuté durant trois mois avec les quatre parents formant le groupe expérimental et un post-test a été fait à la fin de l’accompagnement. De même, un pré-test a été passé pour les quatre parents formant le groupe témoin (qui n’ont pas reçu d’accompagnement psychologique) et a été répété après trois mois. Une passation d’un pré-test en la date du 16 mai 2023 et d’un post-test le 15 septembre 2023. Ces outils d’évaluation ont été utilisés pour mesurer le ressenti des parents face au handicap, leur capacité de résilience et la qualité de leur vie personnelle, relationnelle et professionnelle. Pour ce faire, nous avons utilisés deux tests et un questionnaire : - Le test de résilience de Connor-Davidson CD-Risk. - L’échelle Traumaq, - Un questionnaire.
Les entretiens cliniques
Nous avons effectué, sur le terrain, vingt-cinq séances en moyenne avec chaque parent. La séance préliminaire a débuté par un libre échange qui a permis au psychologue de se présenter et de présenter le cadre dans lequel les séances se sont déroulées. La discussion porte sur les horaires de la présence de l’enfant au North Autism Center et sur les activités de l’enfant en dehors du centre, au cas elles existent, et ses passe-temps. Cet échange a pour objectif de favoriser la confiance et le rapprochement parent-psychologue. L’objectif ultime de ce travail est d’analyser si le soutien psychologique des parents, ayant un enfant souffrant de TSA, apparaît comme une variable prédictive d’une amélioration de la résilience et de la qualité de vie des parents et, si son absence entraîne une augmentation du fardeau qu’ils ressentent.
Les entretiens ont duré trois mois, à raison de deux rencontres par semaine et se sont déroulées dans notre lieu de vie, au sein de l’Ecole des Religieuses de Nazareth, lieu du travail de la psychologue, pas loin du centre. Pour apprécier le vécu des parents ayant un enfant souffrant d’un Trouble du Spectre d’Autisme, l’entretien individuel nous semble être un bon outil. L’entretien avec les parents a d’abord pour objectif d’obtenir la meilleure coopération possible avec ceux-ci. L’entretien clinique que nous avons assuré aux parents d’enfants ayant un trouble du Spectre d’Autisme était une réponse à une personne demandeuse d’aide et aussi une invitation à s’exprimer et à chercher à comprendre. En d’autres termes, le but ultime est d’amener les parents à « prendre conscience », à « vivre avec », à « s’engager dans la relation », à « s’adapter à cette situation difficile » sans pour autant l’accepter.
Rappelons-le, nous avons fait 25 séances, étalées sur trois mois, avec chacun des quatre parents formant le groupe expérimental qui a bénéficié de l’accompagnement psychologique. Ils étaient deux pères et deux mères : Abed, père de Sama, Halim, père de Charles, Anicet, mère de Charles, Augustine, mère de Tarek. La ligne directrice de notre accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique s’inscrit dans une démarche, non de prescription, mais d’accompagnement de l’activité mentale de la personne, et ce dans une attitude d’empathie, de respect et de bienveillance. La relation avec autrui, créée lors des entretiens, passe nécessairement cette attitude, liée à l’amour de l’humanité. Sachant que, concernant ce dernier point, le sociologue Bourdieu (1969) a défini l’effet d’un miroir abyssal proche de celui évoqué par Lacan dans son texte Le stade de miroir comme formateur de la fonction du Je ». Notre but est d’aider le parent ayant un enfant souffrant de TSA à comprendre le sens de tout ce qu’il vit et par conséquent le sens de sa propre vie. Ce, tout en procédant à un travail mental sur lui-même, lui permettant de re-construire après le trauma lié à la révélation du fait que son enfant est atteint de TSA. Pour ce, nous avons mis en place un cadre analytique qui permet à la personne une expression libre de ses émotions, ses angoisses, ses appréhensions. Ce, tout en lui fournissant les éléments d'élaboration de la compréhension nécessaire.
L’hypothèse opérationnelle
Noguès (2022) définit l’hypothèse opérationnelle comme « une paraphrase de l’hypothèse théorique qui intègre les méthodes utilisées […] la variable dépendante et les modalités (groupes ou conditions) du facteur principal y apparaissent clairement ». Appelée aussi hypothèse de travail, elle définit les éléments qui vont être mesurés. Ces éléments sont la variable dépendante et la variable indépendante. La question de départ se pose ainsi : y-a-t-il un accompagnement psychologique qui pourrait aider les parents d’enfants autistes à mieux développer leurs capacités de résilience ? Dans quelle mesure un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, pourrait-il réaliser une amélioration dans les capacités de résilience des parents ayant un enfant atteint de TSA ? Les parents ayant un enfant atteint de TSA qui suivent un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, en comparaison avec ceux qui ne suivent pas d’accompagnement, présentent plus d’amélioration par rapport à leur état antérieur au niveau de leurs capacités de résilience : tolérance au stress, perception de soi, affects positifs et adhérence à une croyance. Dans notre recherche, la variable indépendante est l’accompagnement psychologique. Elle présente deux niveaux :
- Les parents qui suivent un accompagnement psychologique, formant le groupe expérimental.
- Les parents qui ne suivent aucun accompagnement, formant le groupe témoin.
Première hypothèse opérationnelle : les effets de l’accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique sur la tolérance au stress. Des parents libanais ayant un enfant atteint de TSA, qui suivent un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, ne montrent-ils pas une meilleure tolérance au stress par rapport à leur état antérieur, en comparaison aux parents qui ne suivent aucun accompagnement ?
Deuxième hypothèse opérationnelle : les effets de l’accompagnement d’inspiration psychanalytique sur la perception de soi. Des parents libanais ayant un enfant atteint de TSA, qui suivent un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, ne montrent-ils pas une meilleure perception de soi par rapport à leur état antérieur, en comparaison avec les parents qui ne suivent aucun accompagnement ?
Troisième hypothèse opérationnelle : les effets de l’accompagnement d’inspiration psychanalytique sur les affects. Des parents libanais ayant un enfant atteint de TSA, qui suivent un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, ne montrent-ils pas un niveau d’affects positifs plus élevé par rapport à leur état antérieur, en comparaison avec les parents qui ne suivent aucun accompagnement ?
Quatrième hypothèse opérationnelle : les effets de l’accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique sur l’adhérence à une croyance ou une conviction (religieuse, philosophique, éthique, politique, existentielle, etc.). Des parents libanais ayant un enfant atteint de TSA, qui suivent un accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique, ne montrent-ils pas un déblocage de leur adhérence à une croyance par rapport à leur état antérieur, en comparaison avec les parents qui ne suivent aucun accompagnement ?
L'analyse qualitative
Le travail d’accompagnement a été fait durant 3 mois, soit en 25 séances, avec chacune des quatre personnes formant le groupe expérimental. Quant au groupe témoin, nous avons procédé d’une manière différente. Ce sont des personnes qui n’ont pas eu d’accompagnement psychologique durant ces mois de travail sur le terrain.
Le cas d'Abed
Le cas d'Abed, est particulièrement révélateur. Il a 50 ans, est père de quatre enfants : trois filles et un garçon. Marié deux fois, il a eu de son premier mariage deux filles : Sama, 14 ans, et Rital, 12 ans. De son second mariage, il a eu une fille de 6 ans et un garçon de 3 ans. Abed a perdu sa première femme, mère de Sama et Rital, durant la guerre à Tripoli, en 2013. Sama avait 2 ans et demi. Rital avait 1 an et quelques mois. Absence d’informations en rapport avec la grossesse et l’accouchement. Abed n’est pas resté longtemps à l’école. Il a quitté l’école en classe de 7ème, pour aller travailler et aider son père. Abed travaillait en l’Arabie Saoudite comme « contrôleur » des chantiers et des bâtiments en construction. Sa famille est restée au Liban. Il faisait des allers-retours, chaque deux ou trois mois, pour voir sa femme et ses deux filles. Abed est un parent d’enfant souffrant de Troubles du Spectre d’Autisme. Il s’agit de sa fille aînée, Sama, qui est actuellement prise en charge par le NorthAutism Center NAC. Sama est arrivée au centre à l’âge de 3 ans et demi. Le jour du diagnostic, Sama avait deux ans et demi. Elle souffre de troubles sévères d’autisme. Elle a une sœur, qui s’appelle Rital. Celle-ci a 12 ans. Rital est insérée dans un orphelinat. Elle vient à la maison durant les week-ends et pendant les grandes vacances. Au début de l’accompagnement, Abed était marié à une seconde femme, l'union ayant eu lieu après la mort de sa première femme, mère de Sama. Il a eu d’elle deux enfants, un garçon et une fille. Sa seconde femme ne travaille pas. Elle est femme au foyer. Abed est, actuellement, au chômage.
Durant l’accompagnement, Abed montrait un sérieux remarquable. Il était toujours à l’heure. Il arrivait, le matin, à 8h55 pour être prêt à 9h00, chaque mardi et jeudi. Cette attitude n’a pas changé, tout au long de la durée de l’accompagnement qui fut de trois mois. Le total des séances fut de vingt-cinq. Elles se sont déroulées du mardi 23 mai 2023 au jeudi 31 août 2023. Dix d’entre elles eurent lieu les mardis, et quinze d’entre elles les jeudis. Abed s'est montré une personne coopérante, durant les temps de l’accompagnement. Il a exprimé sa confiance en nous dès la première séance. Il a eu une fluidité de la parole. Il avait un langage clair. Son enchaînement d’idées semble avoir toujours été logique. D’après nos observations, il n'a fait preuve ni de rigidité, ni d’inhibition manifeste. Cependant, nous l'avons vu anxieux et triste. Au début, il avait peur de rencontrer quelqu’un en venant sur le lieu de l’accompagnement. Autre relationnel complexe : C'est à peine s'il saluait la personne qui était chargée de son transport. L’implication émotionnelle d’Abed était présente, sans être incontrôlable. Nous témoignons d’une bonne volonté de sa part pour être aidé. Ce, afin de reconstruire sa vie, et de se reconstruire lui-même.
Durant les cinq premières séances
Abed semble montrer une certaine rigidité dans son rapport à la réalité externe. Nous le voyons décrire avec insistance ses traumas, et représentations mentales avec les moindres détails. Focalisé sur ses angoisses, ses souffrances, et ses troubles post-traumatiques (qui durent depuis une dizaines d’années), le monde extérieur semble être absent pour lui. L'expression des indices de stress est manifeste lors des premières cinq séances. Nous voyons clairement ceci apparaître en analysant le tableau des verbatims. Des verbes et expressions tels que « minimiser », « abuser », « ne rien comprendre », « ne rien pouvoir », « ne rien savoir », « quitter », « paniquer », « perdre », « exploser », « menacer », « ne pas réussir », « maltraiter », « frapper », « sacrifier », « défendre », « angoisser », « femme sorcière », (etc.) témoignent du manque sévère de tolérance au stress, dont souffre Abed. De plus, nous voyons apparaître dans le tableau des affects négatifs, tels que : « souffrances », « malheurs », « solitude », « catastrophes », « vie bouleversée », « accroché entre ciel et terre », « tunnel noir », « tristesse », « mélancolie », « déception », « suicide », « mort », « ni pitié », « ni affection », « fragilité psychique », etc.
Son estime de soi est bien négative. Il estime qu’il est un homme « non productif », « impuissant » et qu’il a « échoué » dans la prise en charge de ses filles. De plus, il s’est laissé faire, manipuler et dominer par sa seconde femme, qui a abusé de sa bonté et elle n’a pas tenu ses promesses. Quant à son adhérence a une croyance, nous le voyons, dans la 3eme séance, « reprocher » à son Créateur de lui avoir confié « une mission très compliquée […] et que je lui dis chaque jour que je suis incapable de continuer ». Concernant le côté émotionnel et son état mental, Abed semble être très gêné et souffrant, surtout dans la 4eme séance, qui fut très courte en ce qui concerne l'échange verbal. Mis à part les longs moments de silence, Abed a montré durant les séances des troubles neuro-végétatifs éloquents tels que : le tremblement des mains, des sueurs aiguës, des toux sévères des soupirs.
De la 6ème à la 10ème séance
Abed commence cette série de séances par une profonde expression d’angoisse, de stress et d’anxiété. Il a voulu nous faire partager l’horreur de son vécu traumatique. Nous l’entendons mettre en mots les terrifiantes images qui l’habitent depuis une dizaine d’années. L’utilisation des verbatim et des thèmes, tels que : « je n’entendais plus rien », « je ne voyais plus rien », « oreilles explosées », « images qui ne me quittent pas », « perdre », « mourir », « subir », « trancher », « corps », « stress », « ramasser le reste », « disparition subite », « scènes cruelles et barbares », « de la chair et des os collés au mur », (etc.) montrent qu’Abed continue sa plongée dans l’intolérance au stress, et sa difficulté extrêmement profonde à réaliser le travail de deuil suite à la mort dramatique de sa première épouse, ainsi qu'à dépasser les images mémorisées du moment, d'une violence extrême, lors duquel la femme qu'il aimait, estimait, et chérissait, a été déchiquetée par la guerre devant lui. Sa capacité de résilience vis à vis de ce décès en des circonstances terribles, d'une épouse adorée, semble encore extrêmement fragile. Ses lamentations légitimes sur son sort et ses malheurs reviennent et se répètent de multiples façons. Nous le voyons avoir recours à des thèmes, tels que « la catastrophe », « le trauma », « des tirs », « épuisé », « débordé », « peines », « grandes difficultés », « malheurs », « solitude », « souffrances », « idées noires », « désespoir », « faiblesse », « tristesse », « doutes », « angoisses », etc. Ce, pour exprimer ses affects négatifs. Sa perception de soi reste plutôt négative car il continue à s’estimer un « homme impuissant », « un vaut-rien ». Son adhérence à la foi semble être un point fort, qui l’aide à croire en une force invisible, mais qui « le prendra en charge ».
La fin de ce groupement des séances est différente du début. Le désir d’Abed de parler de sa culpabilité, provenant de sa permission aux médecins d’enlever le tube d’oxygène à sa femme qui avait son cerveau déjà mort, et sa prise de conscience de ce sentiment profond présent en son mental, n’est-ce pas une étape préalable pour se détacher de ce sentiment ? De plus, Abed a relevé plusieurs points importants pour notre travail. Il a parlé de « ma première expérience de libérations de paroles » et dit « Sama est mon ange gardien », ainsi que « j’ai commencé à mettre noir sur blanc mon double trauma ». Pourrions-nous considérer ces verbatims et ces thèmes comme un début de germes d’une nouvelle vie ? Ou bien devons-nous les considérer comme extrêmement relatifs quant aux possibilités de résilience et de reconstruction ?
De la 11ème à la 15ème séance
Nous voyons Abed commencer par exprimer ses difficultés, ainsi que celles de Rama, pour entrer en communication avec Sama. Ceci montre, certes, que son intolérance au stress est toujours présente, sans pour autant être, ni dominante, ni permanente. Il a bien dit : « je suis le body-garde à mes filles », « j'ai peur que ma femme, la sorcière, les frappe ». Cependant, nous le voyons utiliser des verbes et des thèmes comme « sortir », « aller prendre un café », « oublier pour un petit temps mes malheurs, les images et les bruits du passé ». Et aussi « l’idée de la concentration et la méditation me plaît », etc. Ce va-et-vient entre la tolérance et l’intolérance au stress est semblable à celui de ses affects. Tantôt, il est mal à l’aise, tantôt il exprime son sentiment de plaisir, sans pour autant, réussir à se débarrasser de ses idées négatives pour un temps conséquent. Nous l’entendons employer des expressions telles que « malheurs du passé », des « traumas », « perdu », « fatigué », « déprimé », « bouleversé », « tout est noir », « se suicider » et aussi « détente », « lutter », « lieu calme », « loin des difficultés », « efforts », « mettre fin », « pas impossible », « ici et maintenant », « chemin nouveau qui m’attire », « planche de salut », etc. L'alternance de ces expressions témoigne des profondes « contradictions dans le mental » (pour reprendre un concept du Dr. Hervé Hubert) vécues par Abed.
A la 15ème séance, il évoque les événements de sa vie, son trauma, ses difficultés pour finalement, parler, à la fin de la séance, d'une hypothèse autre, une sortie de son « tunnel noir ». Ne serait-il pas possible, que le récit des événements de sa vie antérieure, pleine de malheurs et de souffrances, forme comme un « tremplin » pour passer sur l’autre rive ? vers un nouveau style de vie qui commence à prendre place. Mettre de l'ordre dans sa journée, commencer à sortir de la maison, soit pour prendre un café, soit pour méditer ou faire l’exercice de respiration en plein air. Ce sont déjà deux moments de reconstruction, de changement, témoignant d'un processus mental de transformation du comportement quotidien ; Sa perception de soi est moins négative. Il se considère et définit des potentialités en des termes constructifs : « homme bon », « mon humanité prend le dessus », « sincère », « je ne veux plus rester résigné », « contrôler ses réactions ». Sa foi en Dieu le rend sûr qu’il n’est pas oublié par son Créateur, même s'il considère que personne ne semble penser à lui. Nous remarquons que la fréquence de ses silences et de ses symptômes pouvant être des expressions psychosomatiques, tels que les tremblements, les soupirs, et les toux sévères ont considérablement baissé.
De la 16ème à la 20ème séance
Dans ces cinq avant-dernières séances, nous remarquons que les émotions se retirent peu a peu, pour donner la place à l'expression de l’activité mentale. Nous entendons Abed parler de réflexions sur des moyens pour sortir de son « cercle étouffant ». Nous le voyons réfléchir à une manière de changer sa vie. Abed commence à sortir de son monde fermé, pour voir ce qui l’entoure. Il dit : « j’étais emmailloté ». Son intolérance au stress semble avoir diminué. Les angoisses et les peurs sont remplacées par des verbes d’action et de projection dans l’avenir. De nouvelles idées d’espoir et de confiance prennent la place des idées noires, ainsi que des images et des bruits qui l’habitaient. À la place de « souffrances », « tristesse », « suicide », nous l’entendons exprimer sa joie « d’aller à la mer avec ses deux filles » et sa belle surprise de voir « Sama communiquer avec lui dans l’eau ». À la place de « détresse » et « fatigue », nous avons maintenant l'expression d'éléments de reconstruction tels que « le bien-être » et « les bienfaits de la méditation et de la relecture de la journée ». Durant ces séances, Abed donne libre cours à l’expression de sa foi en la providence divine. Il a été au cimetière pour parler avec l'âme de son épouse adorée et lui demander de l’aide. Nous l’entendons confesser sa foi dans l’union avec les défunts, source de force pour lui. Sa perception de soi devient plutôt positive que négative. Il dit : « j’ai pu tenir debout » ou encore « je suis resté vivant jusqu’à ce jour ». Son insomnie connaît une pause qu'il exprime en ces termes : « réussir à dormir 4 heures à la suite ». Sur le plan des expressions psychosomatiques, les silences, les soupirs et les toux sont presque absents. Sueur et tremblements de mains ont bien baissé.
Dans les cinq dernières séances
Ce travail d’activité mentale semble s’installer d’une manière continue, durant ces dernières cinq séances. Nous nous retrouvons devant des réactions moins impulsives, et moins agressives, et par conséquent associées à moins de peur et d’angoisse. Il dit : « les situations difficiles sont toujours là, mais c’est ma manière d’approcher la vie et ses difficultés qui a changé. » Ceci nous pousse à conclure que sa tolérance au stress apparaît plus solide. Nous écoutons Abed, à maintes fois, exprimer son ressenti positif, et sa belle expérience de l’autosuggestion. Nous l’entendons répéter le mot « désir ». Il parle aussi en employant un registre de langage positif : « un bien-être que je n’ai pas connu depuis de longues années […] », « soulagement », « stabilité », « sentiment de sécurité », « persévérance », « patience », « tourner la page de mon malheur », « je regagne ma force de supporter ». Un changement dans les perceptions les plus profondes semble en cours.
Lors de la 23ème séance, il exprime des projets : « reprendre ma vie en main », « garder le cap », « reprendre soin de ma santé et de mon esprit », « afin de me remettre debout ». La métaphore « se remettre debout » témoigne d'une volonté nouvelle, d'une décision d'action après ces années durant lesquels le sujet était submergé par la souffrance et perdait le contrôle de ses possibilités de se reconstruire. Il décide de changer les différents aspects de sa vie : conjugale, personnelle, relationnelle, familiale, sociale, professionnelle. Et ce, en se projetant dans le futur proche à travers les différentes décisions prises et qui visent à améliorer les conditions de sa vie, et de donner un sens à sa vie. À la fin, nous l’entendons dire ceci : « je sens que je suis en train de ramasser les particules de ma vie et de reconstruire le puzzle détruit ». Notons, alors, une nette amélioration dans la qualité du discours d’Abed. Les termes utilisées dans les 10 premières séances (réf-Tableau) ont disparu dans les 5 dernières séances, laissant entrevoir une adaptation, une restructuration mentale, et une lueur d’espoir. Abed essaye de retrouver son équilibre et de se reconstruire à la suite des événements extrêmement traumatisants, vécus auparavant. Ce travail d’élaboration mentale effectué par Abed, ne pourrait-il pas être considérée comme le signe d’un début d’une mise en place durable du processus de résilience ?
4. L'analyse quantitative
Dans cette partie, nous allons présenter une analyse quantitative des résultats obtenus via des outils psychométriques, suivie d’une présentation des résultats statistiques des deux échelles utilisées pour mesurer le niveau de résilience : entre le pré-test et le post-test et entre le groupe témoin et le groupe expérimental. Une synthèse des résultats, suivie d’une discussion de ces résultats, met en relief les bienfaits, ainsi que les limites de notre recherche menée sur le terrain. « L’identification du développement résilient […] suppose d’associer à l’ensemble des indices qui en fondent la description clinique un nombre défini d’indicateurs et de concepts opératoires » (Pourtois, 2012). Il suffit de lire cette phrase de Pourtois (2012) pour comprendre l’indispensable recours aux outils psychométriques, permettant de mettre en relief la présence ou l’absence, des concepts opératoires de la résilience. L’examen clinique, à lui seul, ne suffit pas pour faire une lecture quantitative des résultats obtenus.
L’évaluation faite après un accompagnement de trois mois, à travers des outils de mesure utilisés (l’échelle de Traumaq et le test de résilience de Connor-Davidson), montre les effets positifs de ces techniques. Étant donné la petite taille de l’échantillon, des tests non paramétriques ont été réalisés pour vérifier les hypothèses. Ainsi, le test U de Mann-Whitney pour échantillons indépendants a permis la comparaison des groupes à chaque temps d’évaluation, pour observer les potentielles différences de niveaux de trauma et de résilience entre le groupe contrôle et le groupe expérimental. Le test des rangs signés de Wilcoxon pour échantillons appariés a ensuite permis la comparaison d’un même groupe dans le temps, pour observer l’évolution potentielle des niveaux de trauma et de résilience de chacun des groupes.
Résultats statistiques:
Niveaux de trauma et de résilience en fonction des groupes (Expérimental vs Contrôle)
Le test U de Mann-Whitney a révélé qu’au premier temps d’évaluation (T1), les niveaux de trauma et de résilience des deux groupes ne différaient pas significativement (p > .05). Ainsi, le groupe contrôle et le groupe expérimental présentaient au départ des niveaux similaires de trauma et de résilience, aux échelles globales et aux sous-dimensions de chacune des échelles (Tableau 1).
Tableau 1. Comparaison des deux groupes au premier temps d’évaluation (T1)
Groupe 1 Contrôle n = 4 | Groupe 2 Expérimental n = 4 | Mann - Whitney | |||||
m | σ | m | Σ | U | |||
Trauma | 99.7 | 6.29 | 94.2 | 35.7 | 7.0 | ||
Réactions pendant l’évènement | 13.7 | 1.71 | 15.00 | 7.07 | 5.5 | ||
Réviviscences / flashes | 5.50 | 1.29 | 6.50 | 3.87 | 6.5 | ||
Troubles du sommeil | 10.0 | 3.16 | 8.00 | 5.48 | 6.0 | ||
Anxiété / Insécurité | 8.75 | 2.22 | 8.50 | 4.20 | 7.5 | ||
Irritabilité / Hypersensibilité | 13.7 | 0.96 | 10.2 | 2.75 | 1.0 | ||
Réactions psychosomatiques | 7.50 | 1.29 | 7.00 | 4.24 | 6.5 | ||
Troubles cognitifs | 6.00 | 1.41 | 3.75 | 1.26 | 2.0 | ||
Troubles dépressifs | 15.7 | 4.79 | 14.7 | 4.03 | 6.5 | ||
Vécu traumatique | 12.7 | 0.96 | 11.7 | 2.99 | 4.0 | ||
Qualité de vie | 6.00 | 1.41 | 8.75 | 1.50 | 1.5 | ||
Résilience | 19.0 | 7.87 | 19.0 | 13.3 | 6.0 | ||
Efficacité personnelle | 5.50 | 3.11 | 5.00 | 3.37 | 6.0 | ||
Contrôle émotionnelle sous pression | 5.00 | 2.83 | 5.75 | 4.86 | 7.0 | ||
Capacité de rebondir | 3.50 | 1.29 | 3.50 | 3.79 | 5.5 | ||
Sentiment de contrôle | 2.00 | 2.16 | 2.00 | 0.82 | 6.5 | ||
Spiritualité | 3.00 | 0.82 | 2.75 | 0.91 | 6.5 | ||
Signification statistique p < .05 |
Toutefois, au second temps d’évaluation (T2), le test U de Mann-Whitney a mis en évidence des différences significatives entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à l’échelle globale de trauma et ses sous-dimensions (p < .05) ; excepté pour la sous-dimension évaluant la présence de reviviscences pour laquelle la différence observée n’était pas significative (p = .05). Ainsi, les participants faisant parti du groupe expérimental, et donc ayant reçu un soutien psychologique, présentaient des niveaux significativement plus faibles de trauma, comparé au groupe contrôle. Plus spécifiquement, ils présentent à T2 un vécu traumatique moins important et de moindre répercussion du trauma sur leur humeur, leur sommeil et leur qualité de vie.
Par ailleurs, le test U de Mann-Whitney a aussi mis en évidence des différences significatives entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à l’échelle globale de résilience et ses sous-dimensions (p < .05). Ainsi, les participants ayant reçu un soutien psychologique présentent à T2 de meilleures capacités de résilience et des sentiments plus élevés d’efficacité et de compétences personnelles, comparé au groupe contrôle qui n’a pas été suivi.
Tableau 2. Comparaison des deux groupes au deuxième temps d’évaluation (T2)
Groupe 1 Contrôle n = 4 | Groupe 2 Expérimental n = 4 | Mann - Whitney | |||||
m | σ | m | Σ | U | |||
Trauma | 116.7 | 8.73 | 44.50 | 11.62 | .00 | ||
Réactions pendant l’évènement | 19.0 | 0.82 | 7.00 | 2.16 | .00 | ||
Réviviscences / flashes | 7.00 | 2.16 | 3.00 | 1.41 | 1.0 | ||
Troubles du sommeil | 11.5 | 1.29 | 3.50 | 2.38 | .00 | ||
Anxiété / Insécurité | 10.2 | 2.06 | 4.00 | 0.82 | .00 | ||
Irritabilité / Hypersensibilité | 13.2 | 0.50 | 6.50 | 1.91 | .00 | ||
Réactions psychosomatiques | 9.50 | 1.73 | 3.00 | 1.15 | .00 | ||
Troubles cognitifs | 6.75 | 0.50 | 3.00 | 0.82 | .00 | ||
Troubles dépressifs | 16.2 | 1.89 | 5.50 | 1.91 | .00 | ||
Vécu traumatique | 15.0 | 1.63 | 6.50 | 1.73 | .00 | ||
Qualité de vie | 8.25 | 0.96 | 4.00 | 1.41 | .00 | ||
Résilience | 10.5 | 3.11 | 71.0 | 5.60 | .00 | ||
Efficacité personnelle | 1.75 | 1.71 | 22.7 | 1.71 | .00 | ||
Contrôle émotionnelle sous pression | 3.75 | 0.96 | 19.0 | 2.45 | .00 | ||
Capacité de rebondir | 2.25 | 2.50 | 14.0 | 0.82 | .00 | ||
Sentiment de contrôle | 1.25 | 0.96 | 9.00 | 1.41 | .00 | ||
Spiritualité | 1.50 | 1.29 | 6.25 | 0.50 | .00 | ||
Signification statistique p < .05 |
Niveaux de trauma et de résilience d’un même grand dans le temps
De façon descriptive, nous pouvons observer que, pour le groupe expérimental, les niveaux de trauma semblent plus bas et les niveaux de résilience plus élevés à T2, après le suivi psychologique, comparé aux scores obtenus par ce même groupe à T1. Toutefois, statistiquement, le test des rangs signés de Wilcoxon ne révèle pas de différences significatives (p > .05). Ainsi, même si pour le groupe expérimental les participants semblent présenter un vécu traumatique moins important, de moindres répercussions du trauma sur leur humeur, leur sommeil et leur qualité de vie, ainsi que plus de résilience après le suivi psychologique, ces évolutions ne semblent pas être statistiquement significatives. La petite taille de l’échantillon (n = 4) pourrait expliquer ces résultats non significatifs (Tableau 3).
Tableau 3. Comparaison des scores obtenus par le groupe expérimental à T1 et T2
Groupe expérimental | T1 n = 4 | T2 n = 4 | Rangs signés de Wilcoxon | ||||||
Moy | Med | σ | Moy | Med | σ | W | |||
Trauma | 94.2 | 96.0 | 35.7 | 44.5 | 44.0 | 11.6 | 10 | ||
Réaction pendant l’évènement | 15.0 | 15.50 | 7.07 | 7.00 | 6.50 | 2.16 | 9.0 | ||
Réviviscences / flashes | 6.50 | 6.50 | 3.87 | 3.00 | 3.50 | 1.41 | 10 | ||
Troubles du sommeil | 8.00 | 7.50 | 5.48 | 3.50 | 3.50 | 2.38 | 6.0 | ||
Anxiété / Insécurité | 8.50 | 8.00 | 4.20 | 4.00 | 4.00 | 0.82 | 10 | ||
Irritabilité / Hypersensibilité | 10.2 | 10.50 | 2.75 | 6.50 | 7.00 | 1.91 | 10 | ||
Réactions psychosomatiques | 7.00 | 8.50 | 4.24 | 3.00 | 3.00 | 1.15 | 9.0 | ||
Troubles cognitifs | 3.75 | 4.00 | 1.26 | 3.00 | 3.00 | 0.82 | 3.0 | ||
Troubles dépressifs | 14.7 | 16.00 | 4.03 | 5.50 | 6.00 | 1.91 | 10 | ||
Vécu traumatique | 11.7 | 11.00 | 2.99 | 6.50 | 7.00 | 1.73 | 10 | ||
Qualité de vie | 8.75 | 8.00 | 1.50 | 4.00 | 4.50 | 1.41 | 10 | ||
Résilience | 19.0 | 12.50 | 13.3 | 71.0 | 72.5 | 5.60 | .00 | ||
Efficacité personnelle | 5.00 | 3.50 | 3.37 | 22.7 | 22.5 | 1.71 | .00 | ||
Contrôle émotionnelle sous pression | 5.75 | 3.50 | 4.86 | 19.0 | 19.5 | 2.45 | .00 | ||
Capacité de rebondir | 3.50 | 2.00 | 3.79 | 14.0 | 14.0 | 0.82 | .00 | ||
Sentiment de contrôle | 2.00 | 2.00 | 0.82 | 9.00 | 9.50 | 1.41 | .00 | ||
Spiritualité | 2.75 | 2.50 | 0.96 | 6.25 | 6.00 | 0.50 | .00 | ||
Signification statistique p < .05 |
Nous observons la tendance inverse pour le groupe contrôle. Les niveaux de trauma semblent plus élevés et les niveaux de résilience plus faibles à T2, comparé aux scores obtenus par ce même groupe à T1. Toutefois, statistiquement, le test des rangs signés de Wilcoxon ne révèle pas de différences significatives (p > .05). Ainsi, même si pour le groupe contrôle les participants semblent présenter un vécu traumatique plus important, avec des répercussions plus importantes du trauma et moins de résilience pour y faire face, ces évolutions ne semblent pas être statistiquement significatives. La petite taille de l’échantillon (n = 4) pourrait expliquer ces résultats non significatifs (Tableau 4).
Tableau 4. Comparaison des scores obtenus par le groupe contrôle à T1 et T2
Groupe contrôle | T1 n = 4 | T2 n = 4 | Rangs signés de Wilcoxon | ||||||
Moy | Med | Σ | Moy | Med | σ | W | |||
Trauma | 99.7 | 97.5 | 6.29 | 116.7 | 114.0 | 8.73 | 0.0 | ||
Réaction pendant l’évènement | 13.7 | 13.5 | 1.71 | 19.0 | 19.0 | 0.82 | 0.0 | ||
Réviviscences / flashes | 5.50 | 5.50 | 1.29 | 7.00 | 7.50 | 2.16 | 2.0 | ||
Troubles du sommeil | 10.0 | 10.5 | 3.16 | 11.5 | 11.5 | 1.29 | 3.0 | ||
Anxiété / Insécurité | 8.75 | 8.00 | 2.22 | 10.2 | 10.5 | 2.06 | 0.0 | ||
Irritabilité / Hypersensibilité | 13.7 | 13.5 | 0.96 | 13.2 | 13.0 | 0.50 | 4.5 | ||
Réactions psychosomatiques | 7.50 | 7.50 | 1.29 | 9.50 | 9.00 | 1.73 | 0.0 | ||
Troubles cognitifs | 6.00 | 6.50 | 1.41 | 6.75 | 7.00 | 0.50 | 0.0 | ||
Troubles dépressifs | 15.7 | 16.0 | 4.79 | 16.2 | 15.5 | 1.89 | 4.5 | ||
Vécu traumatique | 12.7 | 12.5 | 0.96 | 15.0 | 15.0 | 1.63 | 0.0 | ||
Qualité de vie | 6.00 | 5.50 | 1.41 | 8.25 | 8.50 | 0.96 | 0.0 | ||
Résilience | 19.0 | 17.0 | 7.87 | 10.5 | 9.50 | 3.11 | 6.0 | ||
Efficacité personnelle | 5.50 | 4.50 | 3.11 | 1.75 | 1.50 | 1.71 | 10.0 | ||
Contrôle émotionnelle sous pression | 5.00 | 6.00 | 2.83 | 3.75 | 3.50 | 0.96 | 7.0 | ||
Capacité de rebondir | 3.50 | 3.50 | 1.29 | 2.25 | 1.00 | 2.50 | 7.5 | ||
Sentiment de contrôle | 2.00 | 1.50 | 2.16 | 1.25 | 1.50 | 0.96 | 2.0 | ||
Spiritualité | 3.00 | 3.00 | 0.82 | 1.50 | 1.50 | 1.29 | 6.0 | ||
Signification statistique p < .05 |
Synthèse des Résultats Quantitatifs
Ces résultats sont à considérer en tenant compte des limites de l’étude, en particulier en ce qui concerne le petit échantillon, qui ne permet pas une puissance statistique suffisante, ni une généralisation des résultats. Mais au vu des résultats obtenus, nous pouvons tout de même suggérer que le suivi psychologique semble avoir eu un effet positif, permettant la diminution du vécu traumatique et une augmentation des capacités de résilience. Cet effet a pu être observé grâce à la comparaison des deux groupes (contrôle et expérimental) en post-intervention (T1). Les résultats obtenus en pré-intervention (T1) viennent renforcer cette observation. En effet, au départ, les deux groupes présentaient des niveaux similaires de trauma et de résilience ; la différence n’est apparue qu’après le suivi psychologique, attestant ainsi de l’effet positif de cette intervention. Toutefois, la comparaison des scores obtenus par un même groupe dans le temps n’a pas démontré de différences statistiquement significatives avant et après l’intervention. Il est possible que le très faible échantillon explique ce résultat (n = 4). Dans ce sens, une population plus large permettrait peut-être d’observer des résultats qui rejoindraient ceux obtenus par les premières analyses de comparaison de groupes.
5. Conclusions et pistes de réflexions
L’objectif de ce travail est d’analyser si le soutien psychologique apporté à des parents ayant un enfant souffrant de TSA, apparaît comme une variable prédictive d’une amélioration de la résilience et de la qualité de vie de ces parents et, si son absence entraîne, au contraire, une augmentation du fardeau qu’ils ressentent. Rappelons-le, la résilience, comme nous l’avons définie, est un processus dynamique qui n’est jamais totalement acquis, et qui se construit dans l’interaction du sujet avec son environnement. Dans ce sens, notre objectif avec la présente recherche semble être réalisé. Nous avons pu aider, avec différentes méthodes complémentaires, des parents ayant un enfant atteint de troubles du spectre d’autisme. Le mérite de cette aide est surtout dû à l’accompagnement psychologique d’inspiration psychanalytique. Durant 25 séances, étalées sur une durée de trois mois, quatre parents dont deux mères et deux pères, ont témoigné d’un développement de reconstructions dans leur fonctionnement psychique. Ce développement s’est manifesté à travers quatre concepts opératoires de la résilience. La tolérance au stress, les affects, la perception de soi et l’adhérence à une croyance (religieuse, philosophique, éthique, politique, existentielle, etc.).
L’analyse des grandes lignes de l’accompagnement montre la mise en place d’une mobilisation des capacités, internes et externes, chez chacune des quatre personnes accompagnées. Ces personnes ne sont pas restées figées dans leurs blocages mentaux. Elles se sont « déplacées », pour sortir de leur « tunnel noir », pour découvrir le sens des événements difficiles qu’elles ont rencontré. Cette prise de conscience du sens les a poussés à se projeter dans leur vie au présent, et au futur, ce, afin de reconstruire leurs relations familiales, conjugales, sociales et professionnelles. En d’autres termes, ces personnes traumatisées et souffrantes d’avoir un enfant atteint de troubles autistiques, ne sont pas restées dans des situations de blocages, là ou elles étaient avant l’accompagnement. Nous les voyons se reconstruire pour quitter le passé, pour habiter le présent et se projeter dans le futur. Les événements difficiles sont toujours-là, mais ce sont les personnes, elles-mêmes, qui ont changé leur manière d’approcher cette réalité.
Le travail clinique d’inspiration psychanalytique, auprès des parents ayant un enfant souffrant de TSA, comme celui que nous avons mené, est peu pratiqué, d’où l’intérêt de cette recherche (Rey-Flaud, 2010). Finalement, nous espérons que notre contribution, avec ses limites, permettra cependant d’améliorer et de mieux adapter les interventions et les pratiques de soutien auprès des parents ayant un enfant atteint de TSA. L’intérêt de cette recherche apparaît aussi dans notre désir d’aider des personnes rencontrant des difficultés à aborder les problèmes qu’ils rencontrent dans leurs trajectoires de vie, et ceci, d’une façon constructive, à partir d’une mobilisation de leurs ressources internes et externes. La vulnérabilité des personnes en question, et leurs différentes réactions potentielles face à de telles situations difficiles, avec les risques qui en découlent, plaident d’une manière cruciale pour un accompagnement psychologique. Cet accompagnement, renforcé dans de telles conditions, remet en scène toute l’histoire des parents. Ceci met en évidence le besoin d’une recherche qualitative comme celles que nous avons mis en œuvre.
La portée scientifique de notre recherche est de tenter d’améliorer les conditions de vie des parents libanais ayant un enfant souffrant des TSA, et ce, en leur proposant une liste de « médiations thérapeutiques » (Brun, 2019) qui pourront les aider à améliorer la qualité de leur quotidienne et par conséquent à s’adapter au mieux à cette situation difficile qu’est le Trouble du Spectre d’Autisme de leur enfant. Cooper (2006) relève le fait que « les parents rapportent un manque d’aide et d’écoute de la part des professionnels. L’aide apportée apparaît être insuffisante face à la demande de ces parents dans la détresse. » Les différentes aides apportées à l’enfant sont extrêmement importantes, mais à elles seules, ne permettent pas la diminution de la charge négative liée au handicap, et par la suite, ne contribuent pas à l’amélioration de la qualité de vie familiale. Ceci ne nous impose-t-il pas de travailler pour multiplier la mise en place des unités spécialisées prenant en charge des personnes souffrantes suite à des événements très difficiles survenus dans leur vie ?
Nous avons essayé, à travers notre recherche, de faire en sorte de construire, avec chacune des personnes y ayant participé, une relation forte, fondée sur la confiance et la relation bienveillante à autrui. Pour cela, l’une des influences les plus personnelles que nous puissions reconnaître est celle de Jésus de Nazareth : « heureux les affligés, car ils seront consolés ». La résilience des parents d’enfants autistes, lorsqu’elle se manifeste, est plus qu’une consolation. C’est une reconstruction. L’entretien clinique que nous avons assuré aux parents était une réponse à une personne demandeuse d’aide, et aussi une invitation à s’exprimer et à chercher à comprendre. En d’autres termes, le but ultime est d’amener les parents à « prendre conscience », à « vivre avec », à « s’engager dans la relation », à « s’adapter à cette situation difficile » sans pour autant l’accepter.
5. Les limites de la recherche
Nous rappelons que nous n’avons pas eu recours à des épreuves projectives dans notre recherche. Pour cela, nous ne pouvons pas prétendre comprendre le fonctionnement psychique inconscient, car nous n’avons pas des données objectives qui nous permettraient de le faire.
Cependant, l'accompagnement psychologique, d’inspiration psychanalytique mis en œuvre, semble être, à la fois un outil d’investigation, mais aussi un outil d’intervention. Nos reformulations, nos reprises et nos inférences, qui ont eu lieu de temps en temps, ont donné lieu à une restructuration des idées des personnes. Cette manière d’intervention était nécessaire, pour orienter le discours vers l’essentiel, vers la variable dépendante qu’est le niveau de résilience, afin d'évaluer la qualité du processus qui se met en place.
Nous relevons aussi le petit nombre de parents qui a composé notre échantillon. La question de la taille de l’échantillon pourrait poser problème sur la signification des résultats obtenus. Mais, rappelons encore une fois que, pour faire une étude sur un grand nombre de personnes réparties sur tout le territoire libanais, elle doit être effectuée sur internet. Or, un nombre considérable de parents d’enfants atteints de TSA au Liban ne dispose pas d’internet d’une manière continue à leur domicile. De plus, parmi les bienfaits d’une étude qualitative faite sur un petit nombre de personnes, notons que l’enquêteur est présent auprès des personnes à aider. Cette présence pourrait permettre aux sujets de poser des questions, de partager plus facilement leur vécu émotionnel, relationnel, cognitif et conatif.
L'intérêt international du produit de la recherche
Cependant, ayant soumis au fil des mois certains de nos travaux à des personnalités de différents territoires, nous pouvons constater que le produit de cette recherche, menée au Liban, pourra concerner bien des parents, enseignants, thérapeutes, etc. concernés par le sujet, dans d'autres pays. Ainsi, nos échanges avec Madame Lydie Saint-Victor, membre de l'Atelier de Pratiques Psycho-Sociales, enseignante et conseillère de l'Académie de Guadeloupe (France) chargée, notamment, de l'inclusion et des enfants atteints de TSA furent extrêmement intéressants. Selon elle, le produit de notre recherche sera très utile dans ces territoires antillais extrêmement éloignés du Liban, mais où les parents ayant un enfant avec TSA vivent des situations mentales, familiales, etc. avec des souffrances très proches de celles des parents libanais.
De même, le Dr. Didier Mauro, membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer de la République française et membre de l'Académie Nationale de la République de Madagascar, a souligné l'intérêt international du produit de notre recherche en ces termes : « partout où mes recherches m'ont mené, en Afrique, en Amérique latine, en Asie, et bien sûr, en Europe, j'ai pu constater que les parents ayant un enfant avec TSA, vivent de profondes souffrances mentales. Il existe, bien sûr, partout, des dispositifs d'accompagnement. Mais il faut constamment explorer de nouveaux dispositifs thérapeutiques. Innover. En ce sens, Chère Sœur Gloria Douaihy, le produit de votre recherche apporte une contribution novatrice qui sera des plus intéressantes pour toutes celles et ceux qui s'impliquent afin de contribuer à permettre aux parents considérés de construire une résilience, et de trouver, autant que faire se peut dans leur situation, le chemin d'un bonheur ».
Enfin, le Docteur Hervé HUBERT Psychiatre, Pédopsychiatre, chef de service du Centre Georges Politzer (Fondation Élan Retrouvé), Docteur en psychanalyse, Docteur en Psychologie, a accepté d'accompagner de ses conseils nos travaux. Ses analyses, concernant l’objet et la méthode de notre recherche, sont porteuses de multiples possibilités d'applications pour accompagner les parents d'enfants atteints de TSA vers la résilience : « ne nous trompons pas ici sur le fondement scientifique de la recherche psychologique : le chercheur a une démarche scientifique qui bien sûr ne méconnait pas les mécanismes abstraits comme logiques. La qualité scientifique mise en avant ici part du concret des situations et se sert de la logique qui a toujours un versant abstrait pour mettre en série les phénomènes humains, les faits sociaux humains que sont les entretiens rapportés et analysés de façon précise et rigoureuse. L’exemple du paragraphe sur l’essentielle anamnèse est un véritable bijou pour analyser l’histoire personnelle dans son rapport au groupe social qu’est la famille. Ainsi les formes psychiques deviennent étroitement liées à leurs valeurs : une forme prend valeur, une valeur prend forme. La force de la méthodologie de cette thèse enseigne au-delà de son thème : la pratique se mêle de façon étroite à la théorie et, fait rare, ce commun mêlé est décrit méticuleusement, dans une lumière éclatante ».
Sœur Gloria Douaihy
Références
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Cyrulnik, B. (2012). Le principe de résilience ou comment guérir de ses traumatismes et de ses blessures. Weelearn.
Ferenczi, S. (1982). Réflexions sur le traumatisme. Payot.
Hayes, S. A., & Watson, S. L. (2013). The impact of parenting stress: a meta-analysis of studies comparing the experience of parenting stress in parents of children with and without autism spectrum disorder. Journal of autism and developmental disorders, 43(3), 629–642. https://doi.org/10.1007/s10803-012-1604-y
Lacan, J. (1945). Le stade du miroir dans la formation du Je. Revue Française de psychanalyse, 4, 449-560.
Laplanche, J., & Pontalis, J.B. (1996). Vocabulaire de la psychanalyse. PUF.
Mays, N., & Pope, C. (1995). Qualitative research in health care. Wiley Blackwell.
Michallet, B. (2010). Résilience. Frontières, 22(1–2), 10–18. https://doi.org/10.7202/045021ar
Rogé, B. (2015). Autisme, comprendre et agir. DUNOD.
Sigman, M., & Capps, L. (2001). L’enfant autiste et son développement. Retz.
Theis, A. (2006). Approche psychodynamique de la résilience : Etude clinique projective. Thèse de doctorat en psychologie clinique. Université de Nancy 2.
Vanistandael, S., & Lecomte, J. (2000). Le Bonheur est toujours possible : Construite la résilience. Bayard.
Illustration : ©Auguste Herbin
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